L'hiver est la saison la plus froide de l'année en Bretagne. La perception de cette saison a beaucoup changé en raison du changement climatique. L'hiver 2022/2023 ne pourra pourtant pas être qualifié de froid sur la Bretagne même si cette année, on renoue avec quelques composantes souvent oubliées ces dernières année : le gel et la neige.
Décembre frais, pas janvier ni février !
L'hiver météorologique est différent de l'hiver calendaire. En météo, les saisons s'étalent sur trois trimestres qui débutent systématiquement en début de mois. Pour l'hiver, la période météorologique s'étend du 1er décembre au 28 février. Cette année, le ciel n'a pas tergiversé. Le temps a rapidement viré au froid jusqu'au 18 décembre avec quelques chutes de neige en Bretagne et surtout de fortes gelées pour chaque département. Les températures les plus basses relevées sur la périodes sont assez saisissantes avec -8,4°C à Berné (56) ou encore -6,8°C à Saint-Nazaire (44). Cette période hivernale froide mais classique a été renversée pour les fêtes de la fin de l'année par un flux océanique perturbé beaucoup plus doux et plus humide. Le passage d'une rivière atmosphérique (transport d'air doux et très humide dans l'atmosphère des Antilles vers l'Europe) au passage de la nouvelle année a engendré une hausse spectaculaire et record du mercure. On a relevé jusqu'à 18°C à Rennes (35), une première pour un mois de décembre depuis le début des mesures météorologiques sur cette station. Cette douceur océane spectaculaire et anormale nous a accompagné jusqu'au milieu du mois de janvier. Par la suite, des conditions anticycloniques d'hiver s'imposent sur la région avec le retour d'un temps plus frais et souvent gris. Lorsque le ciel se dégageait, les températures se sont abaissées avec le retour de gelées fréquentes et parfois marquées. On mesure -6,7°C à Colpo (56) et -4,7°C à Ergué-Gabéric (29) au plus bas de ce mois de janvier. En février, les conditions anticycloniques ont favorisé l'ensoleillement, l'absence record de précipitations et aussi la douceur. Les vents d'abord de sud-est ou d'est ont apporté des températures élevées. Elles ont été nuancées par la bascule du vent au nord-est en fin de mois qui a engendré un temps plus frais mais là encore sans excès.
En moyenne, cet hiver a été plus doux que la normale en Bretagne avec un excédent thermique entre 0 et 1°C. Cet hiver est donc plus doux que la normale basée sur les hivers entre 1991 et 2020.
Notre perception de l'hiver a changé
Une fois que nous avons constaté que l'hiver a été doux en moyenne. On ne peut pas omettre différentes données qui nous permettre de mettre en avant différents arguments qui nuancent les statistiques du premier paragraphe. Tout d'abord, les conditions anticycloniques ont favorisé les nuits claires et dégagées. Par conséquent, tout au long de l'hiver, nous avons mesuré davantage de jours de gel que la moyenne. Nous renouons également avec cette récurrence au gel. Par exemple, pour la station de Rennes (35), on relève 29 jours de gel cet hiver contre seulement 18 pour l'hiver 2019-2020, 22 pour l'hiver 2020-2021 et 14 pour l'hiver 2021-2022. Nous également connu plusieurs séquences avec des chutes de neige. Ces types de temps caractérisent ce qu'est un hiver normal en Bretagne. Dans le discours médiatique, il y a également une déformation dans la communication qui trouble la contextualisation du froid. Le terme de "vague de froid" est déformé et utilisé de façon abusive. Cette expression scientifique est utilisée quand un froid s'avère intense, persistant et sur une étendue géographique vaste. Il faut que les températures soient largement inférieures aux normales saisonnières sur toute une région. Les vagues de froid s'étendent dans l'histoire de la météorologie entre décembre et mars mais elles sont peu fréquentes depuis le début des années 2000. On dénombre 46 épisodes en France depuis 1947 avec quatre périodes marquantes : les longues vagues de froid de 1956 et 1963 et les intenses vagues de froid de 1985 et 1987. Ces dernières années, on dénombre deux séquences marquées. La vague de froid de 2012 mais de longévité et d'intensité incomparable aux quatre plus fortes de l'histoire et celle de 2018 qui reste la plus récente pour la France. Vous l'avez compris au-travers ce paragraphe, nous n'avons pas connu de vague de froid depuis cinq ans.
Source du graphique : Franceinfo
D'ailleurs, les chiffres sont assez saisissants en Bretagne et ils traduisent un réchauffement de notre climat. L'été dernier, la commune de Bléruais (35) affichait 41,6°C, un nouveau record absolu de chaleur pour notre territoire. Elle illustre une récurrence à enregistrer de nouveaux records de chaleur. Pour le froid, on constate que le record de Bretagne est pour Pontivy (56) avec -17,0°C relevés le 17 janvier 1985. Les records de froid les plus élevés ne dépendent pas de la position géographique. Les températures les plus basses relevées sur notre territoire sont souvent associées aux stations météorologiques les plus anciennes. Les données actives depuis les années 2000 n'enregistrent pas les mêmes niveaux de froid et les records de froid sont très rarement approchés depuis le début des années 2000. Ce constat est encore plus valable pour les îles ( Batz avec un record qui date de 1929, Belle-Ile avec un record qui date de 1963, Groix avec un record qui date de 1987). Le froid d'antan était donc beaucoup plus vivifiant que le froid actuel.
