« Ce sont les grandes marées, le temps va changer ! »
Quel crédit peut-on accorder à ce dicton populaire ? Aucun… En revanche, les conditions météo agissent sur l’état de la mer… Celles-ci peuvent rendre les grandes marées spectaculaires, dantesques et dangereuses ou parfois être synonyme d’un calme absolu… Tout dépend de la configuration générale (la synoptique) qui varie en fonction de la direction et de la force du vent, eux-mêmes déterminés par le champ de pression selon le positionnement respectif des dépressions, des anticyclones…
La marée est un phénomène d’origine astronomique
Une marée se définit comme la variation du niveau des mers et des océans, causée par la combinaison des forces gravitationnelles dues à la position de lune et du soleil par rapport à la Terre. La lune a une influence prépondérante en raison de la position plus lointaine du soleil.
Bien que la lune soit un astre moins imposant que le soleil, sa proximité de la terre (384 400 km au lieu de 150 millions de km) lui confère une influence déterminante dans les phénomènes de marée (effet environ 2,5 fois supérieur à celui du soleil).
Ainsi, la marée est un phénomène résultant de facteurs astronomiques bien spécifiques.
Lorsque la Terre, la Lune et le Soleil sont sensiblement dans le même axe (on parle de syzygie), l'influence des corps célestes s'additionne et les marées sont de plus grande amplitude.
Lorsque la lune et le soleil sont alignés leurs forces s’additionnent et tirent l’eau dans une même direction (ce sont les marées de vives eaux). Lorsque cette influence est maximale on parle de grandes marées (coefficients >100).
Au contraire, lors du premier et du dernier quartier, lorsque les trois corps sont en quadrature, l'amplitude est plus faible. On parle alors de mortes-eaux.
Le coefficient de marée est calculé pour le port de Brest, par le SHOM (Service hydrographique et océanographique de la marine) et représente une amplitude qui varie par convention entre 20 et 120.
La variation du niveau d’eau entre la pleine-mer et la basse mer est appelé le marnage.
Plus le coefficient de marée est fort, plus le marnage est important.
Lors de grandes marées, la mer monte haut et descend bas, et ce plus rapidement, ce qui crée de forts courants.
Lorsque les coefficients sont faibles, le marnage et les courants sont faibles.
Peu sensibles en Méditerranée qui est une mer quasi fermée (environ 40 cm de marnage), les variations régulières du niveau de la mer sont plus importantes sur la façade Atlantique et en Manche où elles peuvent dépasser les 10 mètres (jusqu'à 14 mètres en baie du Mont-Saint-Michel).
La météo change-t-elle avec la marée ?
Non ! Il n'y a aucune corrélation scientifique entre la marée et le changement de temps. C’est une idée reçue. Lorsque cela est le cas il s’agit d’une pure coïncidence.
On se souvient logiquement des grandes marées dantesques et destructrices que des grandes marées calmes ou modérées, qui marquent moins les esprits.
Par ailleurs, différents types de temps se succèdent à intervalles très réguliers sur les régions des latitudes tempérées de l’Atlantique ou de la Manche. Ces changements de temps surviennent très fréquemment, pas plus lors des grandes marées que lors des périodes de mortes-eaux.
Une période de grandes marées dure 4 à 5 jours, et c’est suffisant pour constater durant cette période un changement de temps à un moment ou un autre.
Quelques effets mineurs et très locaux
On peut évoquer et trouver quelques effets très locaux et peu significatifs.
A marée haute lors de grandes marées, la proximité de la mer à la côte peut diffuser une relative fraîcheur en été sur quelques dizaines ou centaines de mètres. C’est la proximité de cette masse d’eau qui avec l’appui du vent, s’il est marin, qui peut légèrement influer sur la température.
A contrario, en hiver, lors d’une journée très froide, l’eau qui est généralement moins froide que l’air, peut diffuser quelques dixièmes de degrés supplémentaires sur le trait de côtes mais sur une distance réduite en fonction de la force et de la direction du vent.
L’onde de marée qui se propage et déplace un faible courant d'air peut également très légèrement accélérer le vent mais cela reste peu perceptible.
L’humidité de l’air liée à la marée montante peut apporter dans certaines conditions favorables un peu de brume, quelques nuages… Mais ça s'arrête là, il n'y a pas d'autre lien.
En revanche, les conditions météorologiques peuvent fortement impacter les marées…
Les conditions météo peuvent amplifier la dangerosité des grandes marées.
La forte houle et les rafales de vent, renforcent la violence des vagues à marée haute. L’exemple le plus emblématique est celui de la tempête Xynthia qui avait durement frappé la Vendée en février 2010. La grande marée avait pris une tournure catastrophique car plusieurs paramètres avaient agi simultanément.
Le vent de sud-ouest violent (130 à 160 km/h) avait très fortement dégradé l’état de la mer ; le coefficient de marée était très important (102) ; la pression atmosphérique était très basse. La concomitance de ces paramètres a provoqué une surcote et des submersions.
Le facteur humain est aussi entré en compte puisque des permis de construire avaient par exemple été accordés à La Faute-sur-Mer, malgré le risque et la dangerosité connue de la zone littorale (inondable).
La météo a ici joué un rôle prépondérant sur l’effet de la marée (et pas l’inverse). La tempête s’est déroulée au moment de la pleine-mer. La surcote avait alors atteint 1.53 m à La Rochelle par rapport à un niveau déjà très haut lié à la marée !
La pression atmosphérique très basse (voisine de 970 hPa) conjugué à la forte houle et à l’orientation du vent qui poussait l’eau vers la côte a rendu la situation dramatique.
Le rôle clé de la pression atmosphérique
Le niveau d’eau théorique prévu pour un port de référence repose en effet sur des conditions météorologues standards. Aux calculs astronomiques, plusieurs paramètres météorologiques peuvent changer la donne, au premier rang desquels on trouve la pression atmosphérique
Dans des conditions météorologiques « normales », c’est-à-dire avec une pression atmosphérique standard (1013 hPa), les niveaux d’eau prévus sont égaux ou très proches de ceux observés.
Des conditions très anticycloniques peuvent au contraire provoquer une baisse du niveau marin par rapport à ce qui était prévu dans des conditions météo standard.
Dans le cas d’une masse d’air dépressionnaire (pression inférieure à 1013 hPa), ce niveau peut augmenter de quelques centimètres à plusieurs dizaines de centimètres et provoquer alors des submersions et de inondations.
Il faut savoir qu’une diminution de la pression atmosphérique d’un hPa équivaut approximativement à une augmentation d’un centimètre d’eau.
Dans le cas de Xynthia, le paramètre « pression basse » a provoqué à lui seul une surcote de 50 cm environ. Le vent, la houle et la topographie ont fait le reste.
Les grandes marées sont donc influencées par les conditions météo mais la marée n’agit pas sur le temps !